Muriel et Delphine Coulin, réalisatrices du film Jouer avec le feu : “Une histoire qui ose des dilemmes”
Qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser le film Jouer avec le feu ?
Delphine Coulin : On avait envie toutes les deux de travailler la question de la famille et de la politique aussi. On a lu le roman Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin chacune de notre côté, et l’histoire de ce père dont le fils aîné commence à avoir des idées contraires aux siennes, où le désaccord est de plus en plus fort, nous a vraiment touchées. On dit qu’il ne faut pas parler politique pendant les repas de famille, mais justement cela nous a paru important d’en parler dans une société qui s’extrémise de plus en plus.
Selon vous, le cinéma doit être engagé…
Muriel Coulin : On aime que chacun de nos films traite d’un sujet de fond. Avoir une histoire forte qui ose des dilemmes. Le temps de création d’un film est long, il dure souvent plusieurs années, alors il faut que l’histoire soit suffisamment riche, avec des thèmes sous-jacents afin que l’on puisse se poser nous-mêmes des questions. Pas seulement les poser au spectateur.
DC : Pour nous, le cinéma doit créer un espace pour le spectateur, pour penser, pour ressentir. On a besoin de ça pour exercer son esprit critique. Et justement à l’heure actuelle, on a besoin de réfléchir.
Justement, quelle réponse apportez-vous à la question qui occupe le film? L’amour filial et fraternel est-il inconditionnel ?
DC : Le dilemme existe, il n’y a pas de bonne réponse, on ne peut pas juste dire oui ou non. Dans le film, on a seulement le point de vue du père. On aborde une énigme que se posent tous les parents : celle d’avoir deux enfants complètement différents alors qu’il nous semble les avoir élevés de la même façon.
MC : Avant de commencer le film, on avait ces discussions toutes les deux et nous n’étions pas d’accord. Cette question, il fallait qu’on l’aborde, car justement, il n’y a pas une seule et bonne réponse.
Dans vos différents films, vous réservez de très belles places aux personnages adolescents ou jeunes adultes. C’est à nouveau le cas dans Jouer avec le feu avec les frères Fus et Louis. Est-ce que c’est une façon d’adresser un message à un public jeune ?
MC : On était aussi émues à Venise pour le prix d’interprétation de Vincent Lindon que de recevoir le Lionceau d’Or, le prix décerné par des étudiants. Aujourd’hui, en Italie, recueillir l’enthousiasme d’un public de cet âge sur ce film, c’est particulièrement fort.
DC : On dit que les jeunes ne s’intéressent pas à la politique, mais c’est faux. Ce sont les citoyens de demain, mais ce sont aussi ceux d’aujourd’hui. Notre film s’adresse à tous et en particulier aux jeunes.
Votre 1er long-métrage 17 filles, avait été réalisé en partie à Lorient et Lanester. Est-ce que vous aimeriez tourner un autre film dans le Morbihan ?
MC : On se sent fondamentalement d’ici. Ce serait donc un pur bonheur de retrouver ces paysages que l’on connait depuis toujours.
DC : Et puis c’est d’une grande aide quand on écrit d’avoir toutes ces images en tête. C’est plus facile pour projeter nos histoires.
Propos recueillis par MB
Jouer avec le feu
La fracture entre un père et son fils
En Lorraine, Pierre (Vincent Lindon), caténairiste, élève seul ses deux fils, jeunes adultes. Le cadet, Louis (Stefan Crépon) réussit dans ses études et vise la capitale. L’aîné, Fus (Benjamin Voisin), s’ouvre moins de perspectives. Son besoin d’appartenance à un collectif et une fascination croissante pour la violence le font côtoyer des groupes d’extrême droite, aux valeurs opposées à celles de son père. On assiste alors à l’incompréhension et l’impuissance du père face à l’engagement radical croissant de son fils aîné. Le film a été récompensé lors de la dernière Mostra de Venise : une Coupe Volpi du meilleur acteur pour Vincent Lindon et le prix des jeunes, le Lionceau d’or.
AU CINÉMA LE 22 JANVIER
Fiction de Delphine et Muriel Coulin
Avec Vincent Lindon, Benjamin Voisin, Stefan Crépon