L’exposition Sauvage Manière de Thomas Daveluy et Guillaume Lepoix • À Lorient, le numérique au naturel
L’immersion dans une forêt de pins des Landes dès que l’on pénètre dans la première salle annonce la couleur. Jusqu’au 14 avril prochain, la Galerie du Faouëdic à Lorient se met au vert et prend une bouffée d’air frais. Dans le cadre de l’exposition intitulée Sauvage Manière, elle accueille cinq œuvres de Thomas Daveluy et Guillaume Lepoix, dont certaines créées spécifiquement pour la galerie lorientaise. Les deux artistes se sont rencontrés il y a plus de dix ans à l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne à Lorient. Ce duo partage une passion commune pour les nouvelles technologies numériques et pour les paysages. « Pour nous, le numérique est un outil de création, mais notre travail part toujours d’éléments concrets, au milieu de la nature, explique Thomas Daveluy. C’est peut-être parce que, avec Guillaume, nous avons vécu à la campagne. On pouvait passer une journée devant des jeux vidéo dans notre chambre et le lendemain s’amuser avec les copains dehors. »
Des impressionnistes du numérique
L’approche des deux artistes rappelle le travail des impressionnistes. Ils tendent à explorer les frontières entre la réalité et l’imaginaire des paysages. Avec eux, la photogrammétrie et la vidéo remplacent la peinture. Pour Pin des Landes, dix jours de marches ont servi à trouver le bon arbre qui a été ensuite photographié sous tous les anglesses avant de le transposer sur le sol, les murs et le plafond de la galerie. Transformé en tronc d’arbre, le pilier central de la première salle agit comme un point de convergences. Plus on s’en éloigne, plus l’image perd en définition. L’exploration de cette nature numérique se poursuit dans une Forêt Primaire. Depuis 2017, Guillaume Lepoix mène un projet interactif en compilant dans un jeu vidéo près de 700 dessins d’arbres réalisés par des écoliers partout en France. Seul objectif pour les gamers et les aficionados de la manette : déambuler et contempler cette forêt fictive à la biodiversité foisonnante. « Cela tombe bien ! 2024 est placée sous l’année de l’arbre à Lorient », relève Sophie Palant – Le Hégarat, adjointe à la culture de la Ville et présente aux côtés de Sortir Ici pour une visite en avant-première. L’échappée forestière continue au rez-de-chaussée avec le Terrarium, une œuvre en 3D projetée sur trois écrans géants. Grâce à la photogrammétrie, les deux artistes ont reconstitué numériquement leur promenade dans la Petite Suisse en Haute-Marne. « La balade en forêt se transforme en voyage dans un monde étrange et infini », reconnaît Thomas Daveluy. Le bruit des oiseaux en fond sonore permet de redonner de la vie à cette forêt mystérieuse. « On aime laisser les gens s’imprégner des œuvres pour qu’ils partent dans leur délire », ajoute Guillaume Lepoix.
L’intelligence artificielle
L’interactivité de l’exposition mène à l’étage dans une ZéroDimension. Cette fois, c’est un univers avec une perception inversée qui attend le visiteur grâce au concept de la géométrie non euclidienne. Avec, à la clé, la possibilité de recevoir sur sa boîte mail des photographies d’amas de pixels aux couleurs explosives. Les deux artistes entendent utiliser toute l’artillerie numérique mise à leur disposition. Ils ont notamment sollicité l’intelligence artificielle pour réaliser l’affiche de Sauvage Manière à partir d’une sélection d’images représentant les œuvres exposées. Une façon originale d’explorer le biais esthétique de ChatGPT et consorts.