L’Émancipée

Après huit ans, Ghislaine Gouby s’apprête à quitter la direction des Scènes du Golfe à Vannes et Arradon. On lui doit notamment la création du festival Les Émancipées, trait d’union unique entre la littérature et la chanson.

Je profite à fond de toutes mes rencontres avec les artistes, le public et mon équipe. À quelques semaines de quitter la direction des Scènes du Golfe, Ghislaine Gouby savoure chaque instant. Son passage de huit ans à la tête du Palais des Arts de Vannes et de la Lucarne à Arradon laissera une trace indélébile. « Vannes a eu la chance d’avoir Ghislaine qui a hissé le théâtre très haut », glissait en conférence de presse Fabien Le Guernevé, adjoint à la culture de la mairie, à l’annonce du départ officiel de la directrice des Scènes du Golfe le 31 décembre 2023. Avec elle, la fréquentation a quasiment triplé pour atteindre 67 000 spectateurs la saison dernière. Ghislaine Gouby peut se prévaloir d’avoir créé le festival des Émancipéés en 2017 qui rapproche la littérature et la chanson. « Les Émancipéés ou Bancs Publics, que j’ai organisé en Franche-Comté, tiennent une place à part dans mon cœur. C’est mille fois plus difficile de programmer un festival singulier que de faire la programmation d’une saison. C’est mon ressenti. » Quand on lui soumet que le terme « émancipée » lui correspond finalement assez bien, elle sourit et acquiesce. « J’ai refusé de me soumettre aux hiérarchies esthétiques. »

La révélation avec Jean-Luc Lagarce
Originaire de Franche-Comté et issue d’un milieu modeste, Ghislaine Gouby découvre le théâtre en 1977 à 17 ans, à l’occasion d’une sortie scolaire, avec un spectacle de la compagnie La Roulotte de Jean-Luc Lagarce. Suivront des soirées festives avec le dramaturge. « Nous fréquentions la même discothèque à Besançon. Nous avons beaucoup dansé ensemble. Jean-Luc était impressionnant. J’étais proche de lui et admiratrice de son talent. J’ai tout lu et tout vu de son travail. » Sa rencontre avec celui qui deviendra l’un des auteurs contemporains les plus joués en France, à qui l’on doit des pièces telles que Retour à la citadelle ou Juste la fin du monde, est une révélation. « Il m’a fait aimer le théâtre. » 
En 1981, Ghislaine Gouby profite d’une formation de directeur de théâtre IFCA à Paris. À sa sortie, elle décroche un poste à la tête de l’Association franc-comtoise de culture. « J’avais la responsabilité d’une partie de la programmation contemporaine du théâtre municipal de Besançon et d’un cinéma d’art et essai classé Recherche. » Elle poursuit son parcours professionnel dans de nombreux théâtres partout en France, dont une scène nationale à Mâcon. Cela vaut à Ghislaine Gouby de croiser le fer en 2002 avec le maire de la ville qui veut censurer des artistes. En 2005, Ghislaine Gouby revient sur ses terres franc-comtoises à la demande du président du conseil régional, Raymond Forni, qui souhaite la création d’un festival artistique gratuit irriguant le territoire. L’aventure durera six ans. L’expérience acquise avec Bancs Publics lui servira pour la mise en place des Émancipéés.

La part de gratuité dans la culture
Elle convaincra aussi Ghislaine Gouby de l’intérêt de proposer des manifestations culturelles avec une part de gratuité pour élargir la cible. « J’avais commandé une étude sociologique à l’Université de Besançon qui montrait que 70 % des dizaines de milliers de spectateurs de Bancs Publics n’avaient jamais été auparavant dans un établissement culturel. »
Son métier de directrice de théâtre et de festivals l’enchante. « Cela me plaît d’être un trait d’union entre les artistes et les spectateurs. On parle trop rarement du public, de sa confiance. C’est merveilleux que des spectateurs aient la curiosité de se déplacer sans savoir exacte- ment ce qu’ils verront. » Elle avoue avoir écrit et mis en scène en 1983 une pièce Illusion , dont elle est fière, en hommage à Annie Girardot que l’actrice est venue voir et a adorée. « Une première et une dernière fois, ce n’était pas ma place. J’aimais applaudir. »
Sa mission aux Scènes du Golfe terminée, Ghislaine Gouby entend rester vivre à Vannes, « dans le plus bel endroit du monde. » Tout en précisant qu’elle demeure très attachée aux paysages de la Haute-Saône, au cœur de ses racines familiales, dans une région où elle a appris à aimer le théâtre et les mots.

 

Bio

1960 naissance à Belfort (90)
1977 
rencontre avec le metteur en scène de théâtre Jean-Luc Lagarce à Besançon (25)
1981 
entre à l’école de directeur de salle cinéma-théâtre à l’IFCA de Paris (75)
1983 
directrice de l’association franc- comtoise de culture
1987 
administratrice du Théâtre des Bernardines à Marseille (13)
1989 
directrice du Théâtre de Vesoul (70)
1998 
directrice du théâtre national de Mâcon (71)
2003 
directrice de l’ARC à Rezé (44)
2005 
création du festival Bancs Publics en Franche-Comté
2013 
directrice des théâtres Sorano et Jules- Julien à Toulouse (31)
2015 
directrice du théâtre Anne de Bretagne à Vannes (56)
2016 
directrice des Scènes du Golfe à Vannes et Arradon (56)
2017 
1ère édition du festival Les Émancipéés
2023 
départ de la direction des Scènes du Golfe le 31 décembre

www.scenesdugolfe.com

 
 
Précédent
Précédent

Bernard Bouin, artiste à Vannes (56) • Une vie de peintre

Suivant
Suivant

Les pieds sur terre – Sébastien Musset, Président Fondateur des Terres de Nataé